le mot de l'éditeur : Dans une petite ville du New Hampshire, Wade Whitehouse, la quarantaine passée, est un homme brisé. Abandonné par sa femme, en passe d’être quitté par sa maîtresse, alcoolique, violent à ses heures, dépressif, il rumine ses échecs et vivote en travaillant, tantôt policier municipal, tantôt puisatier. Mais un citoyen en vue est tué. Accident de chasse ou meurtre ? L’événement fait basculer le fragile équilibre mental que Wade avait réussi à préserver. Dès lors, dévoré par l’obsession de découvrir un hypothétique assassin, il s’enfonce, au propre comme au figuré, dans un désert de neige et de glace. Affliction est le récit de l’effondrement d’un homme ordinaire, pris au piège d’une vie ratée depuis l’enfance, confisquée par la tyrannie paternelle. Russell Banks dénonce là magistralement les valeurs viriles véhiculées par un certain mythe américain.
mon avis : Russell Banks faisait partie de ces grands romanciers us qui manquaient à mon tableau de chasse et avant de commencer j'avais dans l'idée d'avoir entre les mains un bon roman, avec une bonne histoire, un environnement et un cadre bien présentés, des personnages finement décrits (autant d'éléments caractéristiques du roman américain contemporain)...et au bout du compte, il s'avère que je ne m'étais pas trompé.
La vie et le destin de Wade m'ont beaucoup émus, sa descente aux enfers est très poignante et le final tragique est bouleversant et je l'ai senti venir en espérant qu'il n'advienne jamais. Je me suis un peu reconnu dans cette vie car on a tous ses faiblesses, ses fêlures, ses rancoeurs et finalement tout cela ne tient qu'à un fils, qu'à un rien. Nos équilibres psychologiques sont instables et la frontière entre le bien et le mal est ténue. On a tous un peu de Wade en nous.
Mais ce qu'on n'a pas tous, ce sont ces forêts à perte de vue,cette nature enneigée de novembre à avril, des shérifs, des pick-up, du whisky Canada Club, et des feux tricolores qui se balancent sur des fils en travers des routes, tout cet environnement qui constitue le cadre de la tragédie..un goût de Fargo (frère Coen) et de Rambo quand il rentre au bercail.
Affliction est un grand roman.
roman, paru en 1992
traduction : Pierre Furlan
Actes sud (Babel), 486 pages
lecture du 19/10 au 26/10/09
note : 4.5/5
à venir : fictions, Jorge Luis Borgès
compte rendu de lecture - Page 16
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CR124 : affliction - Russell Banks
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CR123 : classe tous risques - José Giovanni
résumé : Quand on a été un caïd et qu'on se retrouve les flics au train, fauché comme les blés, avec deux gosses à charge, on peut toujours essayer de s'adresser aux copains.
Mais si les copains sont rangés des voitures et ne veulent pas se mouiller, on en est réduit à se rabattre en solitaire sur des petits coups miteux.
Abel en a fait l'amère expérience.
Seulement voilà : la vengeance, ça existe, et Abel a le coup de flingue facile...
mon avis : Je crois avoir déjà expliqué pourquoi je n'aimais pas le cinéma et je n'ai pas envie de me répéter (sauf sur demande) mais j'ai quand même quelques réalisateurs fétiches, qui à mon sens sortent du lot parce que quelque part ils ont fait (ou font) quelque chose de supérieur au cinéma, quelque chose qui se rapproche de la littérature. Jean-Luc Godard, Jacques Demy et Quentin Tarantino en font partie..ainsi que, Claude Sautet.
Avant de faire ses grandes fresques socio-bourgeoises des années giscardiennes, Sautet a réalisé dans les années 60 de bons petits polars dont classes tous risques, adaptation d'un roman de José Giovanni. C'est la raison pour laquelle j'avais acheté ce polar (paru chez Gallimard dans la fameuse série noire) il y a quelques années. N'ayant jamais trouvé l'opportunité de le lire, je me suis enfin décidé à l'ouvrir par une rieuse matinée d'automne.
Et quelques jours plus tard, par une journée toute aussi rieuse, lorsque je l'ai achevé d'un browning 7.65, mon premier sentiment fut que Sautet avait été très fidèle au roman. Ce roman est un polar d'excellente facture, sans fioriture qui nous plonge dans le monde du grand banditisme des années 50 avec son lot d'amitiés viriles, de coups bas et de reconversions mal assumées. Rien à redire, c'est bien envoyé, efficace et haletant.
Et la mort d'un truand est l'occasion pour Jose Giovanni de proposer au lecteur quelques considérations métaphysiques (p199).
Gibelin n'avait pas senti venir la mort. Il était passé sans souffrance, du stade de l'évanouissement à celui de cadavre. De son goût de l'argent, de sa ténacité, de sa manière d'aimer sa femme, de son habitude de se moucher en pressant toujours sur la même narine, il ne restait rien qu'une carcasse vide qui n'accomplirait plus aucun geste, et que personne ne rencontrerait jamais plus.
roman, parution 2tr 1958
Gallimard, série noire n°428, 248 pages
lecture du 10/10 au 12/10/09
note : 4/5
à venir : affliction, Russel Banks -
CR122 : la vérité sur Marie - Jean-Philippe Toussaint
le mot de l'éditeur : L'orage, la nuit, le vent, la pluie, le feu, les éclairs, le sexe et la mort. Plus tard, en repensant aux heures sombres de cette nuit caniculaire, je me suis rendu compte que nous avions fait l'amour au même moment, Marie et moi, mais pas ensemble. La Vérité sur Marie n'est pas à proprement parler une suite, mais un prolongement de Faire l'amour (2002) et Fuir (Prix Médicis 2005).
mon avis : En ce moment, je suis très éditions de minuit, j'aime cette maison, ses auteurs, la ligne générale..mais ça n'empêche pas des déceptions et ce roman de JP Toussaint en fait partie. Je reconnais bien à l'auteur un certain talent pour organiser le récit, pour surprendre le lecteur par une sorte de va-et-vient du narrateur mais le fond de l'histoire m'a laissé de marbre. Car de cette Marie finalement, on n'en sait finalement très peu et en tout cas on est loin d'en savoir la vérité. Par contre, pour une raison qui m'échappe, l'écrivain s'est attaché à décrire minutieusement le passage à la frontière d'une cheval de course, les tracasseries administratives qui vont avec et le voyage en avion ou à décrire l'intervention du SAMU venu secourir Jean-Christophe de G le nouvel amant de Marie...Dans un roman de 200 pages, je me pose la question de savoir s'il n'aurait pas été plus judicieux de réduire ces événements à leur plus simple expression pour se concentrer sur l'essentiel
- Cette manie que j'ai de dire ce qu'il aurait fallu faire alors que je ne suis pas capable d'écrire une nouvelle de trois pages-
Mais quand même, puisqu'une seule phrase ou un seul paragraphe d'un roman peur suffire à considérer qu'on n'a pas perdu de temps à le lire (on en parlait quelque part), voici celui-ci (page 169/170) :
Aussi curieux que cela puisse paraître, je plaisais à Marie, je lui avais toujours plu. D'ailleurs, je m'étais aperçu que je plaisais, peut-être pas aux femmes en général, mais à chaque femme en particulier, chacune croyant être la seule, par sa perspicacité singulière, son regard pénétrant et son intuition féminine, à repérer en moi des qualités secrètes qu'elles s'imaginaient être les seules à pouvoir détecter. Chacune d'elles était en fait persuadée que ces qualités invisibles, qu'elles avaient décelées en moi, échappaient à tout autre qu'elle-même, alors qu'elles étaient en réalité très nombreuses à être ainsi les seules à apprécier mes qualités secrètes et à tomber sous le charme. Mais il est vrai que ces qualités secrètes ne sautaient pas aux yeux, et que, à force de nuances et de subtilités, mon charme pouvait passer pour terne et mon humour pour éteint, tant l'excès de finesse finit par confiner à la fadeur.
roman, paru en 09/2009
éditions de minuit, 205 pages
lecture du 14/10 au 16/10/09
note : 2.5/5
à venir : classes tous risques, José Giovanni -
CR121 : l'annonce - Marie-Hélène Lafon
le mot de l'éditeur : Paul a quarante-six ans. Paysan, à Fridières, Cantal. Cinquante trois hectares, en pays perdu, au bout de rien. Il n’a pas tout à fait choisi d’être là, mais sa vie s’est faite comme ça. Paul n’a qu’une rage : il ne veut pas finir seul, sans femme.
Annette a trente-sept ans. Elle est la mère d’Eric, bientôt onze ans. Elle n’a jamais eu de vrai métier. Elle vient du Nord, de Bailleul. Annette a aimé le père d’Eric, mais ça n’a servi à rien, ni à le sauver du vertige de l’alcool, ni à faire la vie meilleure. Alors elle décide d’échapper, de recommencer ailleurs, loin.
D’où l’annonce. Paul l’a passée. Annette y a répondu.
Sauf qu’il y a les autres. Le fils silencieux, et la mère d’Annette. Et les autres de Paul, ceux qui vivent avec lui à Fridières. Les oncles, propriétaires des terres. Et la sœur, Nicole, dix-huit mois de moins que Paul, qui n’a pas de mari pas d’enfant. L’Annonce, nouveau roman de Marie-Hélène Lafon, raconte cette histoire d’amour.
mon avis :Alors voilà, première lecture estampillée "rentrée littéraire 2009" et premier coup de coeur. Trop de chance !
MH Lafon nous embarque dans une petite ferme du Cantal où vivent Eric, le "chef d'exploitation", sa soeur Nicole et les deux vieux oncles, tous autant célibataires les uns que les autres..jusqu'à ce que grâce à une annonce publiée dans un journal, Eric fasse venir du Nord, une intrus qui va bouleverser la vie de la ferme.
La force de ce roman, c'est qu'en même temps d'avoir une haute valeur documentaire (France rurale et le célibat des agriculteurs), il est aussi un concentré de poésie et la plume de l'auteur parvient merveilleusement à restituer certaines atmosphères propres à ces contrées reculées, les soleils couchants, les reflets sur les bâtiments, les jours de neige, le brouillard sur les vastes plaines etc.
Une mention particulière aux deux oncles (à qui l'auteur n'a pas jugé utile de donner de noms) octogénaires, célibataires, muets et interchangeables. Pathétiques en même temps que symboles d'un monde qui n'existe plus.bémol : je ne suis pas trop d'accord avec le mot de l'éditeur : il n'y pas d'histoire d'amour dans l'annonce. En tout cas, en admettant qu'il y en ait une, elle n'est pas essentielle dans le roman.
roman, paru en 09/2009
éditions Buchet-Chastel, 142 pages
lecture du 07/10 au 10/10/09
note : 4/5
à venir : classes tous risques, José Giovanni -
CR120 - les nudités des filles - Jean-Michel Rabeux
résumé : Un metteur en scène de théâtre vit depuis trente-cinq ans une passion amoureuse avec Camille, une comédienne. Il craint sans cesse de la perdre et conjure l'angoisse de sa disparition de différentes manières, jusqu'à fantasmer sa mort. Un chant d'amour et le portrait d'un homme travaillé par le lien intime entre l'amour et la mort. (source : éditions du Rouergue)
mon avis : dans ce récit bizarre composé de courts chapitres commençant quasiment tous par "si" et ne comportant aucun point (décidément, on en veut bcp à ce point...), j'ai cru comprendre que l'auteur était obsédé par l'idée de la mort, qu'il était amoureux d'une Camille, que cette Camille était une fille un peu déjantée qui n'avait pas peur de se mettre intégralement nue devant un inconnu et ce, sans baisser les yeux. J'ai cru comprendre aussi que l'auteur faisait du théâtre ou du moins qu'il mettait en scène et que c'est en cherchant une actrice d'accord de jouer nue qu'il a trouvé Camille et qu'une histoire d'amour à commencé. J'ai cru comprendre aussi que Camille tombait malade et qu'elle décidait de se suicider en se jetant à la mer d'un bateau dans lequel elle se trouvait avec l'auteur.
Et si vers la fin du roman, il est question de la prison de Fresnes dans laquelle se trouve l'auteur, est-ce par parce que "les français" le jugent coupable de la mort de Camille ? Et si je mets "les français" entre guillemets, ce n'est pas pour rien, c'est par ce que l'auteur semble avoir un soucis avec "les français", ce qui semble laisser supposer qu'il n'en est pas un et qu'il a eu maille à partir avec les habitants de cette nation qu'est la France.Mais dans les dernières pages, Camille est toujours vivante et l'auteur toujours aussi barré, à tel point qu'il veut la tuer avec un couteau, mais il se ravise et semble préférer l'étouffer..mais y arrive-t-il ? extrait
je l'embrasse, c'est à dire lui pose un baiser sur les lèvres, et puis je l'embrasse, c'est à dire, je la serre dans mes bras contre moi, l'appuie contre moi de mon bras droit, de ma main gauche je prends le gros oreiller qu'elle aime caler derrière elle pour lire
elle dit ses mots, ces mots : si tu le fais, fais-le bien, elle sourirait, je la connais tant, je connais tant son enfante gravité dans les moments terribles de la vie, la gravité de ce sourire qu'elle aurait, je sais qu'elle sourirait
je le fais, je le fais très bien, elle m'emmène (fin du récit)
Mon esprit trop cartésien s'est pris la tête à essayer de comprendre des choses et des faits qui n'existaient en fin de compte sans doute que dans les délires et les fantasmes de l'auteur.
Et puis enfin, j'ai trouvé le titre les nudités des filles assez mauvais. A la limite, la nudité des filles aurait mieux passé (encore que ce titre ne signifie pas grand chose au regard du contenu). Donc, à cause de ce mauvais titre, ce sera 2.5 au lieu de 3 (qu'aurait quand même mérité cet espèce de long poème en prose pas si mal goupillé).roman, paru en 09/2008
éditions du Rouergue, 142 pages
lecture du 04/10 au 07/10/09
note : 2.5/5
à venir : -
CR119 - formation - Pierre Guyotat
présentation de l'éditeur : Ce récit raconte la formation sensorielle, affective. intellectuelle et métaphysique d'un enfant né au tout début de la Deuxième Guerre mondiale, en France, dans un village du Sud-Est, dans une famille ancienne, catholique et sans fortune. Je l'ai écrit comme la plupart de mes textes à l'indicatif présent : a très peu près. Les sentiments, les interrogations. les pensées sont d'un enfant qui ne cesse de questionner ses aînés puis d'un adolescent qui, à quatorze ans. décide d'écrire, les idées. les convictions, les tourments qui s'y manifestent sont ceux de son entourage de son temps dans ses lieux.
mon avis : J'ai trouvé ce récit assez long à l'allumage, un peu trop descriptif et puis au fil des pages la "formation" de Pierre, fils de petits bourgeois catholique de Bourg-Argental (département de la Loire) prend toute sa mesure et gagne en densité. Formation avant tout spirituelle mais aussi sexuelle, ce en quoi je lui ai trouvé des ressemblances avec le lumineux l'âge d'homme de son ami Michel Leiris (qui est celui par qui j'ai découvert l'existence de Guyotat - car Michel Leiris tout en étant une fin en lui-même permet d'ouvrir également quelques portes).
Pierre Guyotat né en 1940, évoque les années d'après-guerre, les privations et l'histoire du monde (la guerre froide) vu de la France profonde, ses années de collège, de pensionnat, son éducation religieuse et puis petit à petit sa conversion à l'athéisme (assez brutal alors qu'il fut un enfant et un adolescent très pieux).
Au final, PG nous livre une autobiographie de ses jeunes années agréable à lire et fourmillante d'anecdotes.
Coma du même auteur fait par ailleurs partie de mes projets de lecture.
extrait : refusant toute classe de gymnastique et tout jeu de ballon, je passe beaucoup de temps dans les latrines du préau, le temps du moins que le cours s'épuise : j'ai tout loisir alors, dans la tension, de lire, de dessiner, de sentir et de regarder les excréments, la coulés de ceux qui m'ont précédé - la forme des étrons c'est la forme des culs -, les virgules de merde et les vers qui se tordent sur les murs, l'excitation des mouches, et j'y ressens beaucoup mieux mon corps, dans ce quoi il est promis, sexe - et si par une oeuvre il devenait public ? - et mors. Plutôt avoir le nez dedans que d'obéir aux sifflets du gymnaste en survêtement. (p204)
autobiographie, parue en 09/2007
folio n°4888, 220 pages
lecture du 24/09 au 03/10/09
note : 3.5/5
à venir : -
CR118 - les charmes discrets de la vie conjugale - Douglas Kennedy
le mot de l'éditeur : "les charmes discrets de la vie conjugale"Mouvements des droits civiques, manifestations pacifistes, libération sexuelle, les premiers hallucinogènes... l'Amérique des seventies était une ère de radicalité. Etre jeune, c'était être engagé. C'était se rebeller contre les principes réacs de ces vieux cons de parents. C'était vouloir changer le monde.
Pas pour Hannah Buchan.
Pour son célèbre agitateur de père, pour son artiste de mère, Hannah est une vraie déception. Au lieu de grimper sur les barricades et de se fondre dans l'ébullition sociale, elle n'a d'autre ambition que d'épouser son petit ami médecin et de fonder une famille.
Installée dans une vie étriquée et morne de femme de médecin dans une petite ville du Maine, Hannah goûte aux charmes très, très discrets de la vie conjugale. C'est alors que le hasard lui offre l'occasion de sortir du carcan de son quotidien : malgré elle, Hannah va se rendre complice d'un grave délit. Pendant près de trente ans, cette seule erreur restera un secret bien enfoui. Mais après le 11 septembre vient le temps du doute, de la remise en question et de la suspicion ; et le passé d'Hannah va ressurgir inopinément. Du jour au lendemain, son petit monde soigneusement protégé va s'écrouler...
Le destin d'une femme à travers les mutations de son temps, les contradictions et les mystères d'une union conjugale durable... Avec son exceptionnel talent, Douglas Kennedy nous parle de la tension permanente entre responsabilité familiale et épanouissement individuel, et de l'électrique confrontation entre aspirations progressistes et valeurs conservatrices, si présente dans l'Amérique d'aujourd'hui.
mon avis : Si j'ai mis tant de temps avant de me décider à lire ce roman, c'est que j'étais convaincu qu'il s'agissait d'un chick lit (d'ailleurs la première réaction de ma compagne quand elle m'a vu avec ce bouquin fut "tiens, tu lis ça toi maintenant ?).
Mais le titre et la couverture du livre sont trompeurs. C'est d'ailleurs en fouinant dans la bibliothèque de belle-maman que je suis tombé dessus et que je me suis rendu compte de la supercherie. (mais déjà, une interview de Douglas Kennedy sur France Culture il y a quelques mois m'avait mis la puce à l'oreille.)
Au final, il s'agit d'un très bon roman : le type même du roman américain contemporain : une épopée familiale à travers plusieurs décennies sert de prétexte à une étude de civilisation et à des considérations politiques et sociales. Philip Roth fait des choses semblables mais en plus poussé peut-être. Kennedy est sans doute un brin plus populaire dans le style mais ça n'enlève rien à la finesse de son récit.
Pour la petite histoire, le titre est une antiphrase : dans ce roman, la vie conjugale des deux héros, si elle est globalement charmante n'est pas très discrète puisqu'elle finit par défrayer les unes de presse people.
Un petit bémol : un final un peu trop happy end, un peu trop chick lit justement.
Dommage. Ceci dit, l'ensemble est cohérent et bigrement jubilatoire.
roman, paru en 09/2005
Belfond, 661 pages
lecture du 13/09 au 24/09/09
note : 4/5
à venir : formation, Pierre Guyotat -
CR117 - ritournelle de la faim - J.M.G Le Clézio
le mot de l'éditeur : Prix Nobel de littérature 2008
Ma mère, quand elle m'a raconté la première du Boléro, a dit son émotion, les cris, les bravos et les sifflets, le tumulte.
Dans la même salle, quelque part, se trouvait un jeune homme qu'elle n'a jamais rencontré, Claude Lévi-Strauss. Comme lui, longtemps après, ma mère m'a confié que cette musique avait changé sa vie. Maintenant, je comprends pourquoi. Je sais ce que signifiait pour sa génération cette phrase répétée, serinée, imposée par le rythme et le crescendo. Le Boléro n'est pas une pièce musicale comme les autres.
Il est une prophétie. Il raconte l'histoire d'une colère, d'une faim. Quand il s'achève dans la violence, le silence qui s'ensuit est terrible pour les survivants étourdis. J'ai écrit cette histoire en mémoire d'une jeune fille qui fut malgré elle une héroïne à vingt ans.
mon avis : Lorsqu'on lit un roman d'un prix nobel, on en attend forcément un peu plus que les autres et en particulier de Le Clézio dont le talent n'est plus à prouver et dont à titre perso je garde un lointain mais exquis souvenir de la quarantaine, roman publié quelque part dans les années 90 et que j'avais lu un peu par hasard, le livre ayant atterri dans la bibliothèque paternelle en provenance de France Loisirs dont ce devait être peut-être la sélection du mois, qu'en sais-je aujourd'hui.
Mais cette ritournelle de la faim m'a laissé sur ma faim - pardon pour le jeu de mots- . Il s'agit de l'histoire un peu banale d'une famille bourgeoise (sur le déclin) d'origine mauricienne installée à Paris, racontée par Ethel, la fille unique. Si les premières pages sont très poétiques (relation d'Ethel avec son oncle dont j'ai oublié le nom et la folle idée de cette cabane de type créole que le-dit oncle voulait construire sur un terrain au coeur de Paris), le reste n'a pas grand intérêt. A travers les péripéties de cette famille au prestige déclinant (du fait des mauvais placements et de la paresse d'Alaxandre, le père) ; Le Clézio nous fait traverser la deuxième partie du XXème siècle en ne faisant qu'effleurer à peu près tout et personnellement je pense qu'il manque 500 pages à ce roman. 500 pages de plus, en gardant la même trame mais en fouillant un peu plus les gens et l'histoire (un peu comme peut le faire Philip Roth), ça aurait fait un beau roman.
Voilà que je commence à donner des conseils à un prix nobel. Mais où va-t-on ?
Mais je pense aussi que Le Clézio n'est plus Le Clézio dès lors qu'il quitte son île Maurice ou autres contrées exotiques mais on conçoit qu'il ait voulu faire différemment pour une fois. Mais ça n'enlève rien à la qualité et l'originalité de toute son oeuvre (d'ailleurs Désert fait partie de mes projets de lecture moyen-long terme).
roman, paru en 10/2008
Gallimard, 206 pages
lecture du 07/09 au 12/09/09
note : 2.5/5
à venir : les charmes discrets de la vie conjugale, Douglas Kennedy -
CR116 - eldorado - Laurent Gaudé
présentation de l'éditeur : La double trajectoire d’un policier des frontières qui perd le sens de sa mission et d’un jeune émigrant soudanais qui tente d’atteindre l’Eldorado européen.
A Catane, le commandant Salvatore Piracci surveille les frontières maritimes. Gardien de la citadelle Europe, il navigue depuis vingt ans au large des côtes italiennes, afin d’intercepter les bateaux chargés d’émigrés clandestins qui ont tenté la grande aventure en sacrifiant toute leur misérable fortune… en sacrifiant parfois leur vie, car il n’est pas rare que les embarcations que la frégate du commandant accoste soient devenues des tombeaux flottants, abandonnés par les équipages qui avaient promis un passage sûr et se sont sauvés à la faveur de la nuit. Un jour, c’est justement une survivante de l’un de ces bateaux de la mort qui aborde le commandant Salvatore Piracci, et cette rencontre va bouleverser sa vie. Touché par l’histoire qu’elle lui raconte, il se laisse peu à peu gagner par le doute, par la compassion, par l’humanité… et entreprend un grand voyage.
Au Soudan, pour Soleiman et son frère Jamal, c’est le grand jour : ils ont enfin amassé la somme d’argent qui leur permettra de quitter le pays et le continent pour une vie meilleure. Mais les jeunes gens sont bientôt séparés par le destin. Soleiman rencontre Boubakar le boiteux et c’est avec ce nouveau compagnon qu’il poursuivra – d’Al Zuwarah à Ghardaïa, Oujda, puis Ceuta… – son voyage vers l’Eldorado européen.
Parce qu’il n’y a pas de frontière que l’espérance ne puisse franchir, Laurent Gaudé fait résonner la voix de ceux qui, au prix de leurs illusions, leur identité et parfois leur vie, osent se mettre en chemin pour s’inventer une terre promise.mon avis : Comme je suis dans un bon soir, je vais dire que j'ai assez apprécié eldorado. Mais avant hier soir, j'aurais sans doute dit le contraire. Comme quoi à l'espèce de blog (comme ailleurs), le compte-rendu de lecture est très subjectif. Mais ce destin croisé entre un jeune soudanais désirant rejoindre l'Europe et un garde-frontière italien que du jour au lendemain décide de tout claquer est poignant, bien construit et pas manichéen pour un sou. Mais je n'ai pas cessé d'être agacé par le côté un peu trop caricatural des personnages, par le déballage de bons sentiments et puis surtout je n'ai pas trouvé du tout crédible l'histoire du garde-frontière. Qu'il se met à avoir des remords quant à l'ignominie de son métier passe encore mais qu'il décide de partir la nuit dans une misérable barque pour finalement accoster sur les côtes africaines et finir sa vie comme un clodo au long cours, ne passe pas. Et le clou du spectacle, c'est la rencontre des deux héros, l'un, Soleiman le soudanais à l'aube d'une nouvelle vie et l'autre Salvatore , au terme de la sienne et l'échange d'un collier vert cher au coeur du premier. Eldorado est un puissant tire-larme bourré de clichés mais bon comme je l'ai écrit plus haut quand même pas dépourvu d'intérêt notamment lorsqu'il est question des rapports entre immigrés en route vers la Terre Promise, rapports pas toujours très fraternels...
roman, paru en 09/2007
Actes sud, 238 pages
lecture du 01/09 au 05/09/09
note : 2.5/5
à venir : ritournelle de la faim , J.MG Le Clézio -
CR115 - Alabama song - Gilles Leroy
le mot de l'éditeur : "Les garçons des clubs, les jeunes officiers du mess, je les tiens dans ma main gantée de fil blanc. Je suis Zelda Sayre. La fille du Juge. La future fiancée du futur grand écrivain.
Du jour où je l’ai vu, je n’ai plus cessé d’attendre.
Et d’endurer, pour lui, avec lui, contre lui."
Montgomery, Alabama, 1918. Quand Zelda, « Belle du Sud », rencontre le lieutenant Scott Fitzgerald, sa vie prend un tournant décisif. Lui s’est juré de devenir écrivain : le succès retentissant de son premier roman lui donne raison. Le couple devient la coqueluche du tout New York. Mais Scott et Zelda ne sont encore que des enfants : propulsés dans le feu de la vie mondaine, ils ne tardent pas à se brûler les ailes…
Gilles Leroy s’est glissé dans la peau de Zelda, au plus près de ses joies et de ses peines. Pour peindre avec une sensibilité rare le destin de celle qui, cannibalisée par son mari écrivain, dut lutter corps et âme pour exister…
Mêlant avec brio éléments biographiques et imaginaires, Gilles Leroy signe ici son grand « roman américain ».
mon avis : Alabama song est un petit bijou de roman que j'ai lu dans un état de grande jubilation (et d'ailleurs dans la foulée, je me suis dégoté le seul roman de Zelda traduit en français (accordez-moi cette valse) et puis tendre est la nuit de Scott).
Alors donc, le narrateur est Zelda et c'est la grande prouesse de l'auteur qui d'avoir si bien réussi à se mettre dans sa peau le temps de 200 pages. On s'y croirait, on croirait vraiment que c'est Zelda qui s'exprime tant le tout est raconté avec naturel et sincérité. Maintenant, bien sûr il s'agit plus d'une fiction que d'une biographie. Mais on apprend beaucoup sur les années 30, sur le couple Fitzgerald évidemment, sa beauté, sa magnificence mais également ses débordements et ses excès, sur l'environnement du couple avec par exemple ce Lewis O'Connor (qui n'est autre qu'Ernest Hemingway) écrivain et ami de Scott, détesté par Zelda qui le trouve grossier, vulgaire, égoïste...
Et la descente aux enfers de Zelda, malade et incomprise de tous (et avant tout de son mari), hospitalisée en établissements psychiatriques en Europe et aux Etats-Unis.
Je me suis attaché à cette femme entière, délurée, amoureuse, sincère, mais trop faible, trop naïve dans cet univers littéraire trop masculin.
Chapeau à Gilles Leroy pour ce chant d'Alabama, couronné du Goncourt en 2007. Et des Goncourt de cette trempe, on en redemande. (de toute façon, nous les français, si on n'est pas une nation sportive, on a les meilleurs écrivains du monde...c'est parce qu'on est trop introverti, qu'on n'a pas confiance en nous, sauf quand on est seul et devant une page blanche. On est comme ça nous les français, on est un peu froussard et puis on est raide comme des balais aussi mais là c'est génétique. )
roman, paru en 08/2007
Folio, 215 pages
lecture du 30/08 31/08/09
note : 4/5
à venir : eldorado, Laurent Gaudé